Vous souvenez-vous de cette famille de onze personnes victime d'un redoutable manipulateur durant neuf ans ? La presse les avait surnommés "Les reclus de Monflanquin". Deux d'entre eux, Christine et Charles-Henri de Védrines, sont venus apporter leur témoignage à Verdun, le 18 octobre dernier, lors d'une conférence organisée par l'association Secticide qui lutte contre les dérives sectaires depuis déjà de longues années. Des propos poignants et terrifiants, complétés par les explications éloquentes de Daniel Picotin, exfiltreur et avocat des victimes.
Christine de Védrines, dans son livre "Nous n'étions pas armés", retrace le long calvaire qu'elle a vécu avec ses proches : la rencontre avec le manipulateur, son impuissance à dessiller les yeux de son mari, la dépossession progressive de tous les biens du couple, leur vie à Oxford, sous la coupe de l'individu sans foi ni loi qui les gruge et monte les membres de la famille les uns contre les autres, sa fuite seule, l'exfiltration de ses proches, réalisée par une équipe de spécialistes et sa reconstruction.
Mais comment une famille respectable et bien installée socialement a-t-elle pu sombrer dans un tel drame ?
Il nous fallait regarder les choses en face : telle qu'on pouvait la lire dans la presse, ou même en écoutant les témoignages, notre histoire offrait des apparences difficiles à comprendre : une famille d'aristocrates, fortunée au regard aujourd'hui du citoyen moyen, se laisse gruger par un personnage falot, peu séduisant, gobe toutes les insanités qu'il leur débite pour finir esclavasigée par lui. Notre naïveté désarmée pourrait prêter à sourire. Même nous, le retour sur le déroulement de l'affaire nous laissait encore incrédules ! Et pourtant, cela avait existé, nous étions des gens normaux, avec un niveau d'études élevé. Non, ça n'arrivait pas qu'aux autres.
L'ouvrage de Christine de Védrines, tout comme les propos tenus par Maître Picotin lors de la conférence, avec notamment une information sur "l'abus de transfert", m'ont permis de mieux comprendre comment ces hommes et ces femmes avaient pu se laisser berner de la sorte.
Selon les experts, 80 % d'entre nous peuvent être, un jour, victimes d'une emprise mentale. Les manipulateurs et gourous en tout genre fleurissent un peu partout en France sans inquiéter pour autant les pouvoirs publics. Trop peu de moyens sont actuellement déployés pour lutter contre ce fléau et le mécanisme de l'emprise mentale est encore méconnu des psychiatres, des avocats, des gendarmes...
Sans le courage de Christine de Védrines, qui a su faire preuve d'une force de caractère exceptionnelle pour se sortir des griffes de l'individu sans foi ni loi qui l'a affamée, battue, empêchée de dormir, salie auprès de ses proches et ruinée, que serait devenue cette famille ?
Le livre s'achève sur les témoignages successifs des trois enfants et de leur père. Malgré cette expérience des plus traumatisantes, la famille reste soudée et chacun de ses membres se reconstruit petit à petit.
Charles-Henri conclut avec la phrase suivante : Aujourd'hui, être cinq à lutter ensemble et à croire en demain alimente ma force. Le gynécologue, devenu jardinier en Angleterre et contraint là-bas de reverser 90 % de son salaire à l'escroc qui le manipulait, a aujourd'hui retrouvé ses patients à Bordeaux. Car, à l'âge où il était en droit d'aspirer à une retraite paisible et confortable, il a dû reprendre son métier de gynécologue pour survivre.
Si vous souhaitez avoir plus d'informations sur l'emprise mentale et les dérives sectaires, voici l'adresse du site de Secticide : http://secticide.pagesperso-orange.fr/
Cette association, qui a vu le jour en 1994, se donne, entre autres, comme objectif "d'assurer par toute action éducative et sociale (conférences, colloques, expositions) l'information claire et objective du citoyen en vue de démasquer les pièges que lui tendent les sectes qui cherchent à l'asservir et à l'exploiter".