Si, comme moi, vous aimez la peinture et le Siècle des Lumières, vous serez séduit par cet
ouvrage.
Je ne sais pas si je dois parler de biographie ou de roman historique en ce qui concerne ce livre, sans doute s'agit-il ici d'un mélange des deux genres car la vie de
Fragonard est égrenée de son enfance à sa mort tout comme les événements politiques qui l'ont jalonnée. Et ces derniers ne servent pas seulement de repères historiques. Chaque période,
comme nous l'explique Sophie Chauveau, a fortement influencé le quotidien des artistes. Ainsi, jusqu'à la Révolution de 1789, ils sont tributaires du bon vouloir du roi et des
diktats de la toute puissante Académie. Sous La Terreur, certains d'entre eux, comme Hubert Robert, accusé d'avoir enseigné le dessin à la soeur du roi, sont jetés en prison. Autre événement
marquant : en 1805, Napoléon les chasse de l'atelier du Louvre.
Ce livre nous fait découvrir la passion grandissante du futur Prix de Rome, ses premiers pas aux côtés de grands maîtres, son succès immédiat, sa vie insouciante et dissolue de jeune homme,
son bonheur conjugal, l'amour qu'il portait à sa fille décédée à l'âge de dix-huit ans, son sens de l'amitié et l'affection sans bornes qu'il vouait à ses nombreux animaux de compagnie.
Voici le résumé des cinq premiers chapitres :
Enfant chétif et joyeux, Jean-Honoré Fragonard vit à Grasse avec ses parents. Son père, arnaqué par une femme dont il s'était épris, délaisse sa famille pour se rendre à Paris et tenter de
récupérer l'argent estorqué par sa maîtresse. Le temps passe et, ne le voyant pas réapparaître, son épouse décide à son tour de quitter Grasse et de s'installer dans la
capitale avec son fils afin de retrouver le mari volage.
A son arrivée, Jean-Honoré est totalement anéanti. La morne grisaille de Paris a remplacé le généreux soleil de Grasse et l'enfant de douze ans déprime malgré le retour de son père au
domicile conjugual. Les dessins qu'il crayonne ne suffisent pas à atténuer son mal-être. Inquiète, Mme Fragonard se décide à renvoyer le jeune garçon à Grasse où il logera chez des
amis. Au bout de six mois, l'enfant va mieux et se languit de sa mère dont il est très proche, il part alors la retrouver.
A Paris, il est engagé comme commis chez un notaire et continue à dessiner, croquant les meilleurs clients de l'Etude :
Il les charme tous, hommes, femmes, enfants et bêtes qu'il prise par-dessus tout. Ludion frivole, facétieux et drôle, généreux, il distribue ses dessins comme
des baisers, à qui les trouve jolis, à qui s'est reconnu.
C'est à ce moment-là que sa mère a l'idée de le présenter à François Boucher. Voici comment l'auteur décrit leur arrivée dans l'atelier du maître :
Des rocailles, des coquillages, des niches, des bêtes empaillées qui semblent dévisager les nouveaux arrivants, un espace immense et immensément encombré, un
grouillement affairé, de belles filles en tenue d'Eve, ou pis à demi habillées, des amateurs et des amis installés là à causer de toute éternité, des toiles, des cadres, des sellettes, des
chiffons, des palettes qui sèchent, des pinceaux, des brosses de tout format, des décors insolites, poétiques, insensés, tout un fatras héréroclite et charmant au milieu du plus gai des
brouhahas...
Mais l'adolescent se voit refuser son entrée par le peintre qui préfère l'envoyer faire ses preuves chez Chardin. Boucher finira par le prendre sous son
aile quelques mois plus tard, c'est le début de la grande aventure.
Je vous laisse découvrir la suite toute aussi passionnante de la vie de cet artiste avec, ci-dessous, un autre extrait décrivant merveilleusement bien le tableau l'Instant
désiré :
Le coup de brosse, la touche de couleur s'inscrivent dans le même abandon, c'est surtout ça l'estampille de Fragonard, un pinceau qui de ses coups vifs scande et
accompagne la fougue de amants, en souligne le violence par le désordre. Sa pâte a la vivacité, l'emportement propres à exprimer le désir, la possession. Le centre de l'oeuvre où a lieu
l'étreinte est baigné de lumière alors que certains détails suggestifs sont remisés dans l'ombre. Il ne cache rien des va-et-vient de son pinceau, il se sert du manche pour sculpter ses volumes à
même la pâte fraîche et lâche des blancs pour accrocher la lumière.
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